Les semaines d’information sur la santé mentale qui s’ouvrent aujourd’hui prolongent une sensibilisation sur des enjeux mis en lumière par la crise sanitaire.
Sans prétendre traiter l’ensemble de ce sujet, je saisis cette occasion pour rappeler deux points :
La souffrance mentale court souvent le risque de rester muette, non détectée.
Elle se manifeste par un glissement progressif dans le silence et aboutit insidieusement à des situations complexes voire dramatiques.
Si certains salariés sont à mêmes de solliciter de l’aide pour eux-mêmes, d’autres restent silencieux.
Le glissement dans le silence risque de se muer en arrêt maladie de longue durée, où ne subsiste que le recours à la prise en charge médicale et à une sphère privée aux ressources parfois limitées. Plusieurs mois ou années après, l’entreprise apprend parfois la mauvaise nouvelle d’un suicide avec une culpabilité associée toujours très importante.
Le glissement semble après coup avoir été inéluctable : « personne ne lui parlait plus depuis quelque temps, il était très solitaire… », « je le vois encore vendredi dernier avec son vélo, mais c’est vrai on ne se saluait que de loin. »
Détecter, oser proposer une présence et une parole pour éviter est un enjeu crucial de prévention.
Former les managers et l’ensemble des salariés à la détection des signaux faibles, à la lecture des changements de comportement, aux « premiers secours en santé mentale » est un enjeu croissant pour les entreprises aujourd’hui.
La souffrance mentale se rencontre au décours d’évènements graves
Une souffrance mentale peut également apparaître au décours plus ou moins proche d’évènements particulièrement graves, qui mettent en contact avec la mort ou le risque de mort et recèlent un potentiel traumatique.
L’actualité de Shanti, 23 ans, exposée directement dans les attentats de Bruxelles et qui a demandé à être euthanasiée la semaine dernière, est venue nous le rappeler avec cruauté.
L’accompagnement mis en place par les entreprises suite à des évènements graves permet la prise en charge post-traumatique d’une part mais également la détection de situations non prises en charge.
La proposition d’une prise en charge RPS quelle qu’elle soit vient en effet rencontrer les personnes là où elles en sont. Que ce soit au décours d’un débriefing post-traumatique, d’un diagnostic global RPS, d’une interview dans un contexte de situation collective dégradée, les psychologues détectent parfois dans le cadre de ces démarches des souffrances mentales non prises en charge.
Quelques exemples de relais de prise en charge :
- Suite à un braquage, une entreprise sollicite une démarche de débriefing pour l’équipe concernée et quelques entretiens individuels pour des personnes que leur responsable avait indiquées en difficultés plus importantes : une personne pourra être orientée vers un service de prise en charge spécialisé pour des troubles obsessionnels graves pour lesquels elle n’avait aucune prise en charge. Personne n’en savait rien autour d’elle, personne n’a rien su de plus hormis elle et le psychologue qui est intervenu.
- Un manager sollicite pour un membre de son équipe un entretien avec psychologue sur son lieu de travail, dans un atelier de production. « Il dit qu’il veut bien parler avec quelqu’un ». L’entretien a lieu dans la foulée, quelques heures après dans l’attente du médecin, le salarié confie au psychologue « j’avais le cutter sur le bras lorsque vous êtes entré dans l’atelier. Si vous n’étiez pas venu, il se serait passé autre chose… »
- Au décours d’une situation de diagnostic, un homme s’effondre « je n’arrivais à en parler à personne, je ne savais pas à qui en parler, heureusement que vous êtes passé, cela va tout changer de pouvoir être aidé. »
L’IAPR intervient depuis plus de 20 ans pour proposer des démarches de prévention et de prise en charge post-trauma.
La rencontre d’un psychologue qui vient débriefer, former, enquêter peut permettre de détecter à temps des situations de souffrance mentale non prises en charge.
Tous les salariés peuvent être sensibilisés afin d’être de meilleurs relais vers des prises en charges adaptées. Les dispositifs d’écoute permettent d’offrir un réseau d’écoute accessible 24h/24, 7J sur 7.
Aude d’Argenlieu